jeudi 29 janvier 2009

Étranges étrangers !


Découvrez Jean Guidoni!

Étranges étrangers


Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel

hommes de pays loin

cobayes des colonies

doux petits musiciens

soleils adolescents de la porte d'Italie

Boumians de la porte de Saint-Ouen

Apatrides d'Aubervilliers

brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris

ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied

au beau milieu des rues

Tunisiens de Grenelle

embauchés débauchés

manoeuvres désoeuvrés

Polaks du Marais du Temple des Rosiers

Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone

pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère

rescapés de Franco

et déportés de France et de Navarre

pour avoir défendu en souvenir de la vôtre

la liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus

tiraillés et parqués

au bord d'une petite mer

où peu vous vous baignez

Esclaves noirs de Fréjus

qui évoquez chaque soir

dans les locaux disciplinaires

avec une vieille boite de cigares

et quelques bouts de fil de fer

tous les échos de vos villages

tous les oiseaux de vos forêts

et ne venez dans la capitale

que pour fêter au pas cadencé

la prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal

dépatriés expatriés et naturalisés

Enfants indochinois

jongleurs aux innocents couteaux

qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés

de jolis dragons d'or faits de papier plié

Enfants trop tôt grandis et si vite en allés

qui dormez aujourd'hui de retour au pays

le visage dans la terre

et des hommes incendiaires labourant vos rizières

On vous a renvoyé

la monnaie de vos papiers dorés

on vous a retourné

vos petits couteaux dans le dos

Étranges étrangers

Vous êtes de la ville

vous êtes de sa vie

même si mal en vivez

même si vous en mourez.


Jacques Prévert

mercredi 28 janvier 2009

Jeudi 29 janvier, c'est manif. pour tout le monde !

Y compris pour Mme Ségolène Royal qui sera au Forum Social Mondial de Belem au Brésil !


Les banques qui font des profits de 18 % sur les ménages pauvres bénéficient d'aides nationales, alors que ces ménages pauvres n'obtiennent rien.
Qui agit ?

samedi 24 janvier 2009

Benoît Thieulin s'explique ! [On comprend tout !]



Benoît Thieulin est le boss de la Netscouade, une agence qui a coordonné la campagne internet de Ségolène Royal et notamment Désir d'Avenir, il revient sur la polémique "Qui a influencé qui" (ha ! la z'influence !) et explique la campagne de Barack Obama, il revient des US en compagnie de la fondation Terra Nova qui vient de rendre un rapport fort bien fait.


Une autre vidéo à voir : Ils ont fait Obama

Je vous conseille aussi de lire les lettres d'Amériques par Ségolène Royal, c'est rempli d'informations

mercredi 21 janvier 2009

Pierre Rabhi nous parle… II

dimanche 18 janvier 2009

Gaza…


Découvrez Barbara!

Pour qui, comment quand et pourquoi ?
Contre qui ? Comment ? Contre quoi ?
C'en est assez de vos violences.
D'où venez-vous ?
Où allez-vous ?
Qui êtes-vous ?
Qui priez-vous ?
Je vous prie de faire silence.
Pour qui, comment, quand et pourquoi ?
S'il faut absolument qu'on soit
Contre quelqu'un ou quelque chose,
Je suis pour le soleil couchant
En haut des collines désertes.
Je suis pour les forêts profondes,
Car un enfant qui pleure,
Qu'il soit de n'importe où,
Est un enfant qui pleure,
Car un enfant qui meurt
Au bout de vos fusils
Est un enfant qui meurt.
Que c'est abominable d'avoir à choisir
Entre deux innocences !
Que c'est abominable d'avoir pour ennemis
Les rires de l'enfance !
Pour qui, comment, quand et combien ?
Contre qui ? Comment et combien ?
À en perdre le goût de vivre,
Le goût de l'eau, le goût du pain
Et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles !
Mais pour rien, mais pour presque rien,
Pour être avec vous et c'est bien !
Et pour une rose entr'ouverte,
Et pour une respiration,
Et pour un souffle d'abandon,
Et pour ce jardin qui frissonne !
Rien avoir, mais passionnément,
Ne rien se dire éperdument,
Mais tout donner avec ivresse
Et riche de dépossession,
N'avoir que sa vérité,
Posséder toutes les richesses,
Ne pas parler de poésie,
Ne pas parler de poésie
En écrasant les fleurs sauvages
Et faire jouer la transparence
Au fond d'une cour au murs gris
Où l'aube n'a jamais sa chance.
Contre qui, comment, contre quoi ?
Pour qui, comment, quand et pourquoi ?
Pour retrouver le goût de vivre,
Le goût de l'eau, le goût du pain
Et celui du Perlimpinpin
Dans le square des Batignolles.
Contre personne et contre rien,
Contre personne et contre rien,
Mais pour toutes les fleurs ouvertes,
Mais pour une respiration,
Mais pour un souffle d'abandon
Et pour ce jardin qui frissonne !
Et vivre passionnément,
Et ne se battre seulement
Qu'avec les feux de la tendresse
Et, riche de dépossession,
N'avoir que sa vérité,
Posséder toutes les richesses,
Ne plus parler de poésie,
Ne plus parler de poésie
Mais laisser vivre les fleurs sauvages
Et faire jouer la transparence
Au fond d'une cour aux murs gris
Où l'aube aurait enfin sa chance,
Vivre,
Vivre
Avec tendresse,
Vivre
Et donner
Avec ivresse !

mercredi 14 janvier 2009

Ségolène Royal nous parle !




Oui, l'arrêt de la guerre est possible !


Quiconque est aujourd’hui sincèrement attaché aux droits légitimes des peuples palestinien et israélien – un Etat viable et souverain pour le premier, une sécurité garantie pour le second – ne peut qu’être atterré par l’offensive militaire israélienne. Révolté par le calvaire des habitants de Gaza. Angoissé pour la sûreté à laquelle aspire la population israélienne.

Il y a deux ans, je me suis rendue à Gaza et en Israël à la rencontre des dirigeants puis j'ai longuement dialogué avec des groupes de jeunes étudiants. Des deux cotés, ces jeunes parlaient avec les mêmes mots, la même passion, le même regard farouche : « On veut faire naître nos enfants dans un monde en paix et on en a assez de la peur. »


Aucune victoire militaire de Tsahal ne garantira la sécurité d’Israël. Est-il possible d'arrêter ce conflit sans fin où les chances de paix sont périodiquement gâchées, parfois des deux côtés en même temps, par le choix à répétition de la politique du pire ? Quelle solution politique, équitable et durable, le permettra ?


Après avoir en équipe écouté, observé et analysé, je vois plusieurs jalons solides d'une paix juste et durable. Les voici.


Tout d'abord, la supériorité des armes n’a jamais mis à l’abri d’une défaite politique, elle l’a même parfois hâtée et c’est encore plus vrai aujourd’hui où l’opinion mondiale, informée comme jamais, voit sur ses écrans le déluge de feu qui s’abat sur Gaza, cette immense prison à ciel ouvert asphyxiée par le blocus et quotidiennement pilonnée.


C’est l’honneur d'Israël que des voix s’élèvent en son sein pour s’opposer à une guerre qui n’atteindra aucun des objectifs, officiels et officieux, que lui assigne le gouvernement israélien : ni l’arrêt des tirs de roquette sur les villes du sud ; ni le démantèlement du Hamas, au contraire installé en fer de lance de la résistance ; ni même la restauration de la capacité de dissuasion de l’armée israélienne, ébranlée après l’invasion du Liban ; ni même le message adressé à l’Iran et au « terrorisme » car les principaux bénéficiaires de cette opération brutale et, à terme, contre-productive, ne sont ils pas les djihadistes les plus obtus et les réseaux d’Al Qaida ?


Marek Halter a rencontré à Damas Khaled Mechaal, le chef du Hamas, à la veille du déclenchement de l’offensive israélienne. Celui-ci lui a dit, rapporte-t-il, que le Hamas qui prônait jadis dans sa Charte la destruction pure et simple de l’Etat d’Israël, était aujourd’hui « prêt à un accord sur la base des frontières de 1967 ». Qu’est-ce que cela signifie ? Une reconnaissance de facto de ce que le Hamas appelle désormais « l’entité israélienne ». Ce n’est pas – pas encore – une reconnaissance de droit de l’existence de l’Etat d’Israël et de son droit à la sécurité mais, dit Marek Halter, « c’est une avancée », qui rappelle d’ailleurs celle jadis accomplie par l’OLP.


Cette reconnaissance nécessaire, n'est-il pas vain d’en faire un préalable absolu à toute discussion alors qu’elle devra faire partie du package si l’on en vient enfin à des négociations sérieuses, équitables parce que respectueuses des droits des deux peuples et impliquant leurs représentants tels qu’ils sont et non tels que les uns ou les autres les voudraient a priori ?


L’Europe doit enfin assumer avec force l’immense responsabilité historique qui est la sienne dans cet interminable conflit. Un peu d’histoire et de mémoire n’est pas inutile pour remettre les choses en perspective. Ce sont des persécutions - l’affaire Dreyfus et les pogroms tsaristes, un crime contre l’humanité - la Shoah,  tous perpétrés en Europe, qui ont conduit tant de survivants à mettre leur seul espoir dans un Etat-refuge. Ne l’oublions jamais.


Les Palestiniens peuplaient cette terre réputée « sans peuple pour un peuple sans terre » et en furent massivement expulsés. Il ne s’agit pas de faire tourner la roue de l’histoire en arrière mais de ne pas oublier que, colonisations britannique et française inclues, cette histoire est aussi la nôtre.


Deux nations se sont constituées dont les peuples ont aujourd’hui des droits qui doivent être conciliés pour qu’ils puissent, l’un et l’autre, coexister dans la sécurité et la dignité.


Trop de pourparlers et d’accords de paix sont jusqu’à présent allés d’échec en échec, en dépit des rares moments où l’on s’est pris à espérer que la raison et la justice l’emportent grâce à quelques responsables suffisamment visionnaires et lucides qui, tous, ont aujourd’hui disparu et, pour certains, ont été assassinés par les extrémistes de leur camp. 

Yitzhak Rabin fut l’un d’eux. Il eut le courage de comprendre que l’escalade guerrière conduisait à l’impasse politique et que la sécurité d’Israël, avec laquelle il ne transigeait pas, exigeait une perspective crédible pour les Palestiniens. Cette « doctrine Rabin » est plus que jamais d’actualité. Les grandes lignes d’une paix honorable et efficace sont connues, il n’y a rien à inventer et plus d’alibi derrière lequel se cacher pour, une fois encore, en détruire les chances.


Pour ses responsabilités passées et pour sa responsabilité présente dans l’équilibre du monde, l’Europe doit peser de tout son poids pour que cette guerre de trop qui ne règlera rien soit enfin la dernière et pour que les enfants de Sdérot et de Gaza aient enfin droit à une vie normale dans des sociétés qui ne soient plus dominées par la peur et la haine de l’autre.


L’urgence, c’est l’arrêt immédiat des hostilités suivi d’un cessez-le-feu durable, avec envoi d’observateurs ou de forces internationales chargés d’en vérifier le respect. L’urgence, ce n’est pas seulement, des deux côtés, le silence des armes : c’est aussi l’arrêt de la colonisation dans les territoires occupés et la levée du blocus qui a fait de Gaza un immense ghetto paupérisé en proie, avant même l’intervention militaire israélienne, à une catastrophe humanitaire et sociale, nourrissant frustrations et colères.


L'urgence, c’est la mobilisation conjointe et cette fois-ci déterminée de l’Europe et des Etats-Unis, en liaison avec les pays frontaliers, pour en finir avec l’immobilisme meurtrier qui, depuis 16 ans, a succédé au processus de Madrid et aux accords d’Oslo. Force est malheureusement de constater que la mission confiée par le Quartette à Tony Blair n’a, pour l’instant, rien donné d’autre qu’un piteux alignement sur les positions de l’administration Bush.


L’urgence, c’est que chacun comprenne qu’il n’a pas à choisir ses interlocuteurs dans le camp d’en face mais à prendre, tels qu’ils sont, ceux qui représentent effectivement les populations concernées. Le seul préalable à l’ouverture de premières négociations, ce doit être le cessez-le-feu. Le reste, tout le reste, doit en être l’aboutissement, de la reconnaissance d’Israël et de son droit à la sécurité aux contours d’un Etat palestinien souverain et viable.


Trop de temps perdu, trop de promesses non tenues, trop de malheur de part et d’autres et trop, aussi, de politiques inéquitables accréditant l’idée ravageuse d’un « deux poids, deux mesures » dont toujours les mêmes feraient les frais. Il est temps de stopper ce fol engrenage qui a transformé de jeunes lanceurs de pierres des Intifadas passées en bombes humaines car sinon, comme l’a très bien dit l’écrivain franco-libanais Dominique Eddé, « les jeunes oubliés de la vie seront de plus en plus nombreux à être candidats à la mort ». Non par fascination nihiliste ou par fanatisme religieux mais par conviction de n’avoir plus rien à perdre et pas d’autre moyen de faire entendre leur voix.


Il est temps de comprendre aussi qu’il en va non seulement de la sécurité d’Israël et de la dignité de la nation palestinienne mais, plus largement, de l’équilibre et de la sûreté d’un monde où l’éternisation du conflit israélo-palestinien attise le pire.


Rien ne sert de déplorer « l’importation du conflit » : à l’heure d’Internet et des medias télévisés globaux, Gaza est dans tous les foyers et dans toutes les consciences. Les humiliés s’identifient aux humiliés et jugent sévèrement la légèreté avec laquelle la plupart des gouvernements occidentaux semblent, dans cette affaire, traiter leurs propres valeurs. Voilà pourquoi ce qui se joue à Gaza, ce sont aussi nos lendemains à tous car, tôt ou tard, l’histoire présente toujours l’addition.


C’est pourquoi j’en appelle à un effort de lucidité historique et de courage politique de l’Europe, meilleur moyen d'aider Barack Obama à assumer, le jour venu, les responsabilités politiques qui sont celles de son pays.


Mahmoud Darwich, immense poète palestinien aujourd’hui disparu, disait s’efforcer d’exprimer « la conscience du perdant ». Il appelait cela « être un poète troyen », c'est-à-dire ne jamais se contenter du récit du vainqueur et de la version du plus fort. Il est temps qu’il n’y ait plus, sur la terre d’Israël et de Palestine, non pas un mais deux perdants, comme c’est le cas aujourd’hui.La paix, forcément faite de concessions réciproques, est possible à condition que la justice et l’intelligence du temps qui est le nôtre soient au rendez-vous.


Car, comme le dit le grand écrivain israélien, Amos Oz, « la vie, c’est le compromis. Et l’opposé du compromis, ce n’est pas l’idéalisme, c’est le fanatisme et la mort ».




Ségolène Royal

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samedi 10 janvier 2009

80 balais et un train…

La vidéo du jour, dénichée chez XIII :

La phrase du jour, à lire chez Juan :
"Connaissez-vous la différence entre un train et Nicolas Sarkozy ?
— Quand le train déraille, il s'arrête."

jeudi 8 janvier 2009

Les banques nous mènent en bateau

Le patron d'une entreprise de construction navale de La Rochelle s'est suicidé récemment car il ne pouvait verser les salaires de ses employés. Ségolène Royale vous donne des explications.


Ci-dessous La chanson du dimanche vous chante Capitain Madoff


Une autre vidéo plus courte par intox2007 montée par dagrouik

mardi 6 janvier 2009

C'est à dire ?

Frédéric Lefevre sera peut-être ministre spécial Web !
Hi hi hi…! 
Rions un peu ! ;O)

lundi 5 janvier 2009

Le droit à la faiblesse

Je reconnais à tout un chacun, le droit à la faiblesse, de le  

reconnaître, de le savoir, de le comprendre et de le pardonner, à tout un chacun, quel qu'il soit. 

Tous, nous avons nos faiblesses, nos manquements, nos bêtises.

Ne pas reconnaître cette dimension de  l'être, c'est être inhumain !


Frères humains, soyons frères en humanité, refusons notre  inhumanité !


La théorie de la pureté est inhumaine.

dimanche 4 janvier 2009

La faim dans le monde par Jean Ziegler



Et un article à lire ici

Un grand merci à Rony !

L'an neuf ?

Mon ami poète et philosophe Yannis Youlountas vient d'écrire un édito titré : 
Pourquoi l’an 2009 peut devenir l’an neuf
Vers un basculement et un changement radical de société

Cet article est ainsi construit :
I - LE MOIS DE L'ILLUSION
II - CEUX QUI MARCHENT À L'ENVERS 
III - RESTER ASSIS, C'EST SE METTRE À GENOUX 
IV - NOTRE SOCIÉTÉ FONCTIONNE COMME UN ASILE 
V - GÉNÉRALISATION DE LA PEUR : CAUSE, MOYEN ET BUT 
VI - DYNAMIQUE DE RÉSISTANCE 
VII - LE SORTILÈGE DES PERSPECTIVES 
VIII - LE DÉFI DE LA BOÉTIE

Un extrait :

IV - NOTRE SOCIÉTÉ FONCTIONNE COMME UN ASILE

Mais il n’y a pas plus grande menace pour qui veut continuer à se dresser dignement, humainement, solidairement, que l’abandon au dressage normatif qui rabaisse, avilit, asservit. Le spectacle assourdissant du monde et l’interminable répétition de ses rites d’aliénés ont exactement l’effet d’un traitement médico-psychiatrique sur la parole, l’imaginaire, la révolte et la création. Un traitement neurasthénique. Notre société fonctionne comme un asile, dans tous les sens du terme. Elle justifie sa légitimité, son intransigeance et ses rigidités non pas pour conduire à l’émancipation et au bonheur de ses membres, mais pour les protéger contre eux-mêmes en entretenant la peur. La peur de tout et de tous.

V - GÉNÉRALISATION DE LA PEUR : CAUSE, MOYEN ET BUT

Loin des belles devises du genre "Liberté - Égalité - Fraternité", notre société n’a pas d’autre fondement que la peur, pas d’autre cause que la peur, pas d’autre but que la peur, car pas d’autre moyen de conserver son pouvoir et sa forme d’existence. Elle justifie sa légitimité, son autorité et sa violence par la peur généralisée. Elle promet de protéger contre les innombrables motifs de peurs qu’elle suscite, entretient, distille et inocule comme une piqûre quotidienne aux effets inhibants. C’est ainsi que la foule de chenilles reste à l’état de chenilles dans la peur absurde et confuse du papillon et de l’oiseau. C’est ainsi que la foule de fœtus reste à l’état de fœtus dans la peur absurde et confuse de l’être humain et du risque inhérent à la vie.

Cette peur, c’est tout simplement la peur du dehors ou plutôt la peur de la potentialité, de l’être au-delà, au-dehors, c’est-à-dire la peur de la liberté. C’est ainsi qu’est bâtie notre société d’aliénés. C’est ainsi que l’asile n’a pas besoin de portes. Car les seules portes sont la parole, l’imaginaire, la révolte et la création.

Le compagnon d'une institutrice écrit à M, Darkos…

La voici :

Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, Monsieur le Recteur d’académie, Mr l’inspecteur d’Académie.

Je vous remercie des condoléances  dont vous m’avez  fait part après le suicide de ma femme Muriel, institutrice spécialisée, qui s’est donné la mort dans l’après midi du 6 octobre dernier au groupe scolaire

Gambetta de Massy, son lieu de travail.

Je prends le temps de vous répondre, passé le premier choc, pour attirer cependant votre attention sur plusieurs faits qui dans ces circonstances douloureuses ont témoigné de bien peu d’empathie, et de

respect des personnes.

Le corps de ma femme n’était pas encore au funérarium, que l’Inspecteur d’Académie convoquait dans les locaux du groupe scolaire une réunion des enseignants, auxquels il enjoignait de n’évoquer “que

des problèmes personnels”, face aux questions que ne manquerait pas de susciter un tel événement.

Dès le lendemain, 7 octobre,  le Recteur d’Académie divulguait une information du dossier médical de ma femme censé être confidentiel,

trahissant ainsi le secret professionnel, au journal de 13h de France 2 et sur RTL le même jour.

À cette entorse grave au secret professionnel, s’ajoutaient des informations totalement inexactes qui tendaient de manière allusive à faire passer ma femme pour une dépressive chronique. Ainsi, la moitié

de son temps d’arrêt maladie en 2007 n’était pas dû à la dépression mais

à une cause médicale bien distincte.

Suite à cet arrêt de travail, ma femme a repris son poste en décembre 2007 juste avant les vacances de Noël., et non à la rentrée 2008 comme l’a affirmé publiquement sa hiérarchie.

Ces mêmes interventions publiques et largement médiatisées ont en revanche bien peu fait mention de la compétence et de la qualité du travail de ma femme, reconnues et saluées tant par ses collègues que

par les parents d’élèves. Muriel était une femme passionnée par son travail, animée du souci

permanent de bien faire et d’une grande exigence professionnelle.

Outre sa formation de professeur des écoles et sa formation de rééducatrice,

elle avait fait deux années d’études supérieures en lettres (hypôkhagne et khagne,) puis obtenu sa licence de Lettres en Sorbonne. C’est dire que son engagement auprès des enfants dans le cadre des Réseaux d’Aide Spécialisé aux Eléves en Difficulté était un choix personnel qui correspondait à une motivation profonde.

Je peux témoigner, comme tout son entourage, qu’elle souffrait du manque de reconnaissance dont  pâtit particulièrement cette catégorie d’enseignants, et qu’elle évoquait souvent, la semaine précédente,

l’intention annoncée de supprimer des postes et de modifier profondément le fonctionnement du RASED comme une source d’angoisse pour elle. Que cette intention, enfin, allait totalement à  l’encontre du

développement de son travail en direction des enfants en difficultés.

Personne ne saura ce qui a pu déclencher son acte de désespoir. Mais la façon expéditive et réductrice qui a été utilisée pour parler de son acte n’a rien à voir avec le respect de la vérité ni de sa personne.

Enfin, si le souci de filtrer l’information semble avoir été primordial pour sa hiérarchie, pourquoi les détails de sa mort ont-ils été divulgués sur les ondes  à des heures de grande écoute, sans tenir compte des conséquences possibles pour mes enfants?

Cet ensemble de considérations m’amène à souhaiter le rétablissement public d’une certaine équité dans la présentation de cette affaire, aussi ma réponse prendra-t-elle la forme d’une lettre ouverte adressé

à la presse.  Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, Messieurs, l’expression de ma haute considération .


Patrick Carpentier